samedi 30 avril 2016

Le Brigaudiot nouveau, notes de lecture (9) : la rentrée

2.1.C. Modalités spécifiques pour la première scolarisation

0 La préparation de la rentrée

La classe regroupant les nouveaux élèves étant la classe prioritaire par rapport aux autres, c’est toute l’équipe enseignante qui va préparer leur arrivée
(…)
Des conseils pour la découverte de ce nouveau lieu
-       inviter les parents, sans leurs enfants, un soir après la sortie de classe, début juin : visite des locaux, présentation des adultes, de la journée…
-       inviter les parents avec leurs enfants, par petits groupes, sur le mois de juin, pendant ½ journée de classe : les enfants de la classe d’accueil prennent en charge les déplacements avec les petits et leurs parents (…)
-       à leur départ, un livret leur est remis pour que famille et enfant puissent le regarder pendant l’été (…)

0 Un vrai accueil pour les familles et leur enfant

Il faut essayer d’être en nombre les jours de rentrée et organiser une rentrée échelonnée, par groupe de 4 ou 5 enfants avec les parents chaque jour (…)
Les classes ont peu de tables, mais des peluches, des déambulateurs et des jeux très appropriés.
Une fois l’enfant dans la classe, il est accueilli par sa maîtresse qui note, devant lui, le numéro de téléphone des parents, sous leur dictée (…)
On laisse les parents dans la classe le temps qu’ils veulent jusqu’à la récréation (…)
Lorsqu’un enfant pleure, on l’apaise (…) on joue à des jeux symbolisant l’absence des parents et leur retour.
Dans la matinée, on adopte les premières formes scolaires de vie : un regroupement avec petite musique et jeux de doigts, l’annonce aux enfants qu’ils vont apprendre qui s’appelle comment, en commençant par soi-même, la prise en photo de chaque enfant en lui expliquant que ça servira à apprendre les prénoms et à retrouver ses affaires.
L’enseignant ne les quitte pas de la journée durant les deux premières semaines (…)

0 L’importance des grands bonheurs et des petits malheurs des premières journées

Pour être dans la « bonne » ZPA des petits, il faut tout leur expliquer, à chaque déplacement, à chaque consigne
(…) D’où l’importance du TOUJOURS : « les papas et mamans reviennent toujours chercher les enfants (…)
Et il ne faut s’adresser à un petit qu’en position accroupie. C’est là que se joue la relation.
A la fin des deux premières semaines, chaque enfant doit avoir sa photo avec prénom dessous, tapé au traitement de texte, à son porte-manteau, sur son casier, sur le tableau vertical des présences. Et il ne faut laisser aucun enfant sans ces symboles de son existence de membre de la communauté-classe.
Les grands bonheurs des premières journées sont les « premières fois ». Il faut les survaloriser, devant le groupe quand c’est un apprentissage « scolaire » (trouver son prénom, (…)), en privé quand c’est un exploit affectif.
Les petits malheurs sont liés le plus souvent à des conflits entre enfants, (…) un pipi qui fait honte (…) Dans tous les cas :
-       le maître ne crie jamais, il reste calme, il explique sereinement mais clairement ce qu’il comprend et il tranquillise les enfants.
-       Il utilise des outils pour représenter le temps qui s’écoule.
Ex : jeu du doudou électronique (sur écran ordinateur avec photo des enfants, on clique et on a un message audio des parents)

Formation      Les jeux chez les petits (2 à 4 ans)
Ces jeux sont symboliques, au sens où ils font exister des « mondes » que les enfants n’ont pas sous les yeux. D’où leur importance.

Ø  Les jeux de cache, de quelques mois à 2 ans, parfois plus tard 
(caché- le voilà)
(…) En maternelle, il suffit de jouer à ces jeux et vous saurez vite qui en a besoin : les enfants qui ne s’en lassent pas.

Ø  Les jeux réversibles
Les seconds jeux sont du même ordre car ils ne finissent jamais, ce qui énervent parfois les adultes. Pourtant ils sont eux-aussi très importants. (…)
En maternelle, avec peu de moyens, les possibilités sont innombrables : emplir/vider, enfiler/défaire, allumer/éteindre, ouvrir/fermer. Tout ça met les enfants en condition d’agir sur le monde et d’être eux-mêmes les agents de transformations : ça leur donne du pouvoir.

Ø  Les jeux de faire semblant,
à parti d’objets similaires au réel
En maternelle, la plupart des coins-jeux

Ø  Les jeux de faire semblant,
à parti d’objets mais avec détournement
…L’enfant attribue une signification analogique à l’objet et le relie à un scénario.
En maternelle, l’enseignant qui observe un enfant capable de ces jeux sophistiqués possède une évaluation très positive de son développement.
(…) lorsqu’un enfant dit que la mascotte a mangé tout le chocolat, il sait très bien qu’il est dans du vrai-faux. Il faut prendre garde à ne pas basculer dans le fantastique qui pourrait l’effrayer. Mieux vaut être toujours très clair. Comme lorsqu’un maître joue à être le loup : « je vais faire semblant d’être le loup, et vous savez que c’est pour jouer, oh non non, je ne suis pas un loup, c’est juste pour jouer. » Si certains enfants ont peur, il faut arrêter.

2.1.B. L’accompagnement de certains enfants et de leurs familles

L’école maternelle est un lieu de prévention des troubles du développement que peuvent connaître des enfants. La règle est toujours la même pour l’enseignant : d’abord bien observer l’enfant, dont le comportement ou le langage semble « décalé », en parler au directeur, au RASED, au médecin PMI, à une assistante sociale selon le cas. L’avis d’autres professionnels est précieux. En parler aux parents est la dernière étape car elle est la plus délicate. Afin d’éviter toute maladresse, il est bon de faire comme s’il s’agissait de son propre enfant et de se demander : « qu’est-ce que je ne pourrais pas entendre ? qu’est-ce que je pourrais entendre ? »
(…)

Quand un enfant est en intégration avec projet éducatif, on l’explique aux enfants de la classe, on présente l’AVS, on insiste sur le fait qu’il ne fait pas exprès de …


extraits de Langage et école maternelle, Mireille Brigaudiot, ed. Retz

mercredi 27 avril 2016

Le Brigaudiot nouveau, notes de lecture (8) : l'oral : oser entrer en communication : les actions du maître

PARTIE 2. PRATIQUES DE CLASSE
L’ORAL

Objectif 1. Oser entrer en communication

Pour travailler cet objectif, le maître aura le principe de travail n°1 en « fond d’écran ». C’est de la vraie vie qu’il s’agit et celle d’un enfant dépend de sa possibilité de dire, dans un milieu non-familial, ou ressenti comme non-familier.

2.1.A. Ce qu’on entend par « communiquer » à l’école maternelle

Le sens ordinaire de « communiquer » recouvre le fait d’échanger des informations. Cela est effectivement possible pour des enfants, mais surtout en GS, et pour certains enfants seulement. Ce n’est donc pas par là qu’il faut commencer en maternelle. Mieux vaut commencer par l’échange a minima : un regard, un sourire à propos d’une action, un mot qu’on ne comprend pas, un geste qui engage une coopération. En maternelle, tous ces signaux de partage ET d’affect valent début de communication. Pour cet objectif, tout est dans le verbe « oser » (…) L’enjeu va donc bien au-delà de la maternelle, il est vital. C’est pourquoi nous évoquerons ici ce que l’école peut faire, surtout pour les enfants prioritaires.
Seront considérés comme prioritaires pour cet objectif : d’une part les enfants entrants en TPS ou PS, d’autre part les enfants de tous niveaux qui restent en retrait lors des regroupements, qui ne s’expriment pas du tout ou très peu en atelier, ceux qui ne comprennent ni ne parlent le français, et les enfants arrivant dans l’école en cours d’année.
Pour tous ces enfants, il faudra que le maître soit confiant car ils vont parler, et ça pourra prendre du temps. Voilà schématiquement comment progressent des enfants dans ce domaine lorsque tout va bien. Par différentes modalités de communication, ils vont successivement :
1. pouvoir « dire », avec le langage ou pas, ce qui leur va et surtout ce qui ne leur va pas dans cet environnement dans lequel ils ont perdu leur famille, leurs repères ou leur langue familiale,
2. entrer dans un partage à plusieurs, avec le langage ou pas,
3. participer à quelques prises de paroles dans la classe
4. oser parler, tout seul devant le groupe-classe,
(5. participer, avec le langage, à des échanges à plusieurs.
Cette dernière modalité de communication constitue l’objectif 3 « échanger et réfléchir avec les autres ».)
(…) Pour l’enseignant, il s’agit de se débrouiller pour apprivoiser un enfant, de mettre en route son langage dans la classe, comme il le fait à la maison ou dans la cour. La clé du problème est toujours dans le partage de quelque chose.
« Dans les relations quotidiennes entre l’enfant et l’adulte, le but de l’adulte n’est pas d’enseigner le langage et celui de l’enfant n’est pas de l’apprendre, mais le but de l’un et de l’autre est d’arriver à se comprendre pour pouvoir ensemble réaliser des activités quotidiennes et/ou partager des états mentaux ». J. Bernicot, La pragmatique des énoncés chez l’enfant.

2.1.B. Les actions du maître

Le maître installe des conditions rendant possibles les débuts de la communication, puis accompagne les enfants pour qu’ils prennent de plus en plus de risque, sans risque … En fait, c’est une intégration dans la classe qui se joue. « Intégration » positive avec un maître qui va montrer à l’enfant son désir de le prendre en compte en tant que personne. Effet vertueux, l’enfant va lui-même faire son chemin d’intégration dans ce lieu où il ne ressent aucune hostilité. Les relations entre l’enfant, sa famille, le lieu d’école, le maître, les autres enfants et le groupe-classe vont se tisser peu à peu. C’est le pari du maître.

2.1.B. ACTION 1. Tisser des liens avec la famille
(…) Quelques attitudes et actions d’un enseignant qui sécurisent et tranquillisent un enfant :
-       Inviter les parents à rester un moment dans la classe, à leur arrivée le matin
-       Inviter les grands frères et sœurs à rester près de l’enfant, sur une demi-journée ou pendant la récréation ou la cantine,
-       Inviter un parent d’enfant prioritaire pour qu’il apprenne au groupe-classe une comptine ou une chanson dans la langue maternelle de l’enfant,
-       Evoquer verbalement tous les exploits possibles de l’enfant en parlant aux parents devant l’enfant.

2.1.B. ACTION 2. Tisser des liens enfant-maître
Ces liens ont pour but de donner à un enfant le pouvoir de « dire ».
Le non-verbal est considéré comme une activité langagière quand il y a geste, mimiques, regard ou action visant l’indication ou l’obtention de quelque chose de la part d’un sujet enfant.
(…) Toutes les situations d’attention conjointe, avec un adulte qui « monologue » à côté d’un enfant, à propos de ce qu’ils ont, ensemble, sous leurs yeux (jeu, image, construction…) sont bonnes pour faire entrer un enfant en communication.
A l’inverse, vouloir « faire parler » un enfant, en étant face à lui et en attendant certains produits langagiers plutôt que d’autres, est particulièrement catastrophique parce que d’une part, il ne sait pas ce que veut l’adulte comme « bonne réponse », d’autre part parce que cette réponse attendue, la plupart du temps, n’est pas à sa portée (…)
En bilan, des actions simples sont possibles pour faire entrer un enfant en communication avec le maître :
-       pratiquer des activités en attention conjointe, avec lui et quelques enfants (situation idéale, 2 enfants de chaque côté de soi devant une table) : avec un livre, avec des photos, avec de la pâte à modeler, avec un jeu d’encastrement, avec un puzzle, en faisant un dessin, etc.,
-       commenter son activité d’adulte et au bout d’un moment, faire semblant de se tromper (…)
-       choisir une production d’enfant prioritaire pour montrer son exploit en bilan d’atelier (construction, dessin, modelage…)
En définitive, avec un enfant dont on attend qu’il ose communiquer, plutôt que de parler À cet enfant, parler À CÔTÉ de lui et parler DE LUI aux autres enfants.

2.1.B. ACTION 3. Tisser des liens enfant-enfants
Pour tisser des liens entre enfants, le moyen privilégié c’est les jeux.

2.1.B. ACTION 4. Tisser des liens enfant-groupe-classe
Parmi les activités orales de tout un chacun, la plus complexe (et la plus stressante parfois) est le fait de s’adresser seul à un auditoire. (…) bien se débrouiller signifie : leur parler de quelque chose qui les intéresse, gérer son discours de manière à ce qu’ils puissent suivre (annonce, introduction, ordre de présentation des faits, récapitulatif), prononcer clairement et de manière audible, jouer de l’intonation, des pauses et des accents pour mettre en valeur certains éléments.
Quand un enfant peut commencer à faire quelque chose qui s’en rapproche, on peut dire qu’il a fini d’apprendre à parler et qu’il commence à tenir des discours (…) en GS (…)
Le maître doit d’abord expliquer aux enfants de quoi il s’agit et à quoi ça leur sert : de temps en temps, je demanderai à un enfant de venir à ma place pour dire ou présenter quelque chose aux copains, ça vous apprendra à parler tout seul devant les autres, comme les grands, et c’est difficile mais vous allez tous y arriver ».
Dans cette optique, les enseignants de PS utilisent parfois un personnage (mascotte) qui fit le lien entre l’enfant et l’école. La mascotte a un nom, elle fait partie de la classe. L’enseignant la présente aux enfants (…) elle ira dormir chez un enfant chaque jour. (…)
Les enfants sont extrêmement attentifs au dialogue entre la maîtresse et Pierre. Ils savent qu’ils auront à raconter, à leur tour. (…) L’intérêt de cette situation d’invention d’événements se joue sur plusieurs tableaux : le jeu symbolique, un récit possible et imaginaire à la fois, de la clarté nécessaire dans les propos parce qu’aucun auditeur n’était présent lors des faits relatés. C’est parfait.
Voilà des exemples d’autres situations de langage devant le groupe, de la moins difficile (texte su par cœur), à la plus difficile (gestion du contenu et prise en compte des réactions de l’auditoire) :
-       proposer à un enfant de venir dire une comptine,
-       proposer à un enfant de raconter une histoire qu’il connaît bien, pendant que le maître tourne les pages,
-       proposer à un enfant de raconter un événement qui s’est déroulé hors classe mais dans l’école (cantine, récréation)
-       proposer à un enfant de commenter un dessin qu’il a fait
-       proposer à un enfant de raconter une histoire connue du groupe mais sans rien dans les mains.

Conseils
° On évite de faire entrer les événements familiaux dans la classe (…)
° On répète/reformule à la place de l’enfant qui n’ose pas parler fort (…)
° On accepte les objets venant de la maison et dont les enfants veulent parler (…)

extraits de Langage et école maternelle, Mireille Brigaudiot, ed. Retz