samedi 23 avril 2016

Le Brigaudiot nouveau, notes de lecture (7) : les chemins de l'écrit

Chapitre 3. APPRENDRE : les chemins de l’écrit

(…) découvertes d’éléments purement culturels qui sont à des années-lumière de leurs vies d’enfants. On quitte l’acquisition, on est dans les apprentissages scolaires (…)

1.3.A. Etat des savoirs quand les enfants arrivent en maternelle et quand ils en partent
(…) je définis l’écrit comme une activité langagière, symbole de l’oral, en son absence (…) un écrit est une trace scripturale, je dirai aussi « les écrits » (…) acte moteur accompagnant cette activité, je dirai : « l’écriture »

Etat des savoirs des enfants à leur arrivée
(…) les jeunes enfants s’intéress(ai)ent non pas aux écrits mais à l’activité d’écriture (…) Lorsqu’ils arrivent à l’école, il y a donc une première inégalité de savoirs entre enfants parce que certains ont déjà observé des adultes écrivant et d’autres non.
Le second aspect de l’écrit inégalement partagé par les enfants à leur arrivée, concerne leur relation aux écrits de fiction.

 Etat des savoirs des enfants à leur départ
A leur départ de maternelle, les enfants sont très familiers des livres, ils savent ce qu’ils vont en entendre, ils savent à quoi sert d’écrire et de lire, ils commencent à copier des textes qu’ils connaissent bien, ils en simulent la lecture, ils ont découvert comment ils pouvaient écrire seuls pour que leurs écrits soient lisibles et compris.

1.3.B. Construction progressive des symbolismes de l’écrit

> Autour de 2 Ans
Il décontextualise et recontextualise une scène dont il a l’expérience (cf. aubergines et dauphins). Ce type d’activité intellectuelle est décisive pour les apprentissages de la lecture.
C’est entre 2 et 3 ans qu’il identifie l’écrit par opposition au dessin à partir des allures des tracés. Il mime l’acte moteur d’écriture en traçant des « dents de scie » (...) Il s’intéresse au dessin, d’abord en réception puis en production. (...) La valeur symbolique de l’écrit est en train de naître par l’intermédiaire des noms de personnes.

> ENTRE 3 ET 5 ANS
La valeur symbolique que l’enfant a de l’écrit va considérablement s’enrichir, d’une part grâce à la fiction, d’autre part grâce à son envie d’adresser de l’écrit à quelqu’un.
Le jeu de rôle : on est dans du narratif organisé, long et dont l’enfant est le metteur en scène. (…) On est peut-être à l’époque où la lecture d’histoires aux enfants est particulièrement décisive. (…) On appelle « théorie de l’esprit » les premières capacités des enfants à identifier ces ressentis et ces sentiments chez quelqu’un, au-delà des apparences de ce quelqu’un (…) Les livres sont magiques ! (…) Sans doute de là vient l’envie de l’enfant de s’adresser à quelqu’un en lui écrivant. Etant bien armé sur le plan symbolique, il va faire des essais d’écriture. (…) Le code symbolique de l’écrit, celui dont on sait qu’il est décodable par un adulte, est en train de naître.

> A PARTIR de 5 ANS
L’enfant finit par demander à l’adulte d’écrire sous la dictée. Il lui reste à comprendre cette clé du mystère, ce qu’on appelle « principe alphabétique » et qui ne vient que d’un enseignement, à l’école
Selon Vygotski, dans ce cheminement, les progrès de l’enfant ne sont pas dû à une accumulation mais à un processus d’intégration « naturelle » de la culture dans laquelle il vit. Pour aller du dessin à l’écriture, les adultes doivent écrire du langage devant les enfants, ce qui leur permettra d’aller au-delà d’un simple dessin de lettres.
Nous avons donc à mettre les enfants d’école maternelle sur ces voies symboliques culturelles qui, pour nombre d’entre eux, ne seront vécues qu’à l’école. Je pense qu’on est mal outillé quand, dans le domaine de l’écrit, on reprend les champs scolaires traditionnels : lecture, écriture, littérature enfantine. Ceux-ci ne correspondent pas aux grandes étapes que les enfants vont parcourir jusqu’à être prêts pour l’entrée au CP.
Par ailleurs on a dit et illustré le fait que les chemins empruntés par cet enfant lambda relevaient tous d’usages de l’écrit. Il va donc falloir que les maîtres soient de grands utilisateurs d’écrit, dans la classe.

1.3.C. Les adultes dont les enfants ont besoin

les maîtres ont deux zones de travail pour aider les enfants à s’approprier l’écrit :
     - leurs rapports aux textes écrits, pour les comprendre et en comprendre l’utilité,
     - leurs rapports au code, pour en comprendre le fonctionnement.
Les clés des deux zones résident dans ce qu’en font les personnes alphabétisées : elles produisent et lisent des textes, et elles maîtrisent pour ça un codage sophistiqué (qu’on appelle orthographique) qu’elles ont automatisé depuis longtemps si elles sont adultes.
Ce qui va être décisif dans les activités progressives des enfants relève de la capacité de ces adultes à prendre leur point de vue, celui de personnes non-alphabétisées. C’est beaucoup plus difficile que ce qu’on croit
(…) vocabulaire de travail très rigoureux : ce sont d’une part les termes désignant les objets de travail sur lesquels portent ces activités : (raconter, dire, expliquer, dessiner, s’entraîner, réfléchir, chercher, écouter), d’autre part les objets de travail sur lesquels portent ces activités (une histoire, une comptine, un livre, une syllabe…)
L’accès des élèves aux textes qu’on leur lit est également délicat. Notre culture d’adulte nous empêche de penser que des jeunes enfants ne les comprennent pas comme nous. Il faudra donc, non seulement choisir ces textes en fonction de critères précis facilitant leur accès, mais encore les expliquer bien plus qu’on ne l’imagine.
(…)
les adultes auront à alterner :
-       des moments où ils expliquent, font des démonstrations,
-       des moments où ils soumettent aux enfants des problèmes à résoudre, sans intervenir,
-       des moments où ils accompagnent les essais de résolutions de problèmes, surtout avec les enfants prioritaires,
-       des moments où ils mettent tous les enfants en réflexion – discussion au sujet de nouveaux problèmes.

Formation  Comment aider les enfants pour l’écrit

Ø  En PS
-       instaurer des pratiques de commentaires d’albums, à la portée des enfants, afin de leur donner envie de multiplier ces fréquentations,
-       commencer à leur montrer comment vous rédigez des textes adressés, sans leur demander d’y participer, mais en leur faisant constater les effets sur autrui,
-       faire des démonstrations ponctuelles de l’utilisation du principe alphabétique sans leur demander d’y participer.

Ø  En MS
-       lire beaucoup d’histoires et travailler la compréhension
-       faire participer les enfants à des rédactions de textes adressés et leur en faire constater les effets,
-       continuer les démonstrations relatives au code et explorer leurs savoirs en la matière,
-       leur soumettre ponctuellement des problèmes d’essais d’écriture.

Ø  En GS
- mettre les enfants en situation de recherche de compréhensions d’histoires entendues plusieurs fois
- transformer les productions d’écrits « fonctionnels », dans le quotidien de la classe, en habitudes,
- multiplier les problèmes d’essais d’écriture et en faire des bilans métacognitifs clairs,
- encourager les enfants à s’auto-entraîner à écrire quelque chose, tout seuls.

Récapitulons

Pour l’écrit, l’enseignant agit progressivement sur le cycle, d’abord en recherche de la ZPA et en amont de la ZPA. Il doit pratiquement « guetter » les tout premiers simulacres d’écrit et d’écritures que font les enfants. Il fait des démonstrations de son expertise de lecteur et d’écriveur devant eux. Peu à peu, il va faire participer les enfants, les faire travailler dans leur zone, par exemple en les faisant dicter. En fin de GS, il pourra travailler pratiquement en aval de la ZPA car les enfants écriront seuls, même si c’est avec des moyens encore balbutiants. J’ai l’habitude de dire qu’avec l’écrit, en fin de cycle, ils en sont là où ils en étaient, avec l’oral, à leur arrivée. Car en quittant la maternelle, ils ont une première maîtrise de l’oral. Pour une première maîtrise de l’écrit, le chemin est encore long.

CONCLUSION
Enseignement et apprentissages sont dans un bateau, et personne ne tombe à l’eau

Le capitaine du paquebot va tout tenir, ce que lui demande l’institution, ce qu’il sait des apprentissages et des centres d’intérêt d’un enfant très jeune, ce qu’il sait des écarts de savoirs entre les enfants alors qu’ils n’y sont pour rien, et il va conduire tous ses passagers à bon port.

(…) Toutes les activités proposées ont une utilité connue des enfants (métacognition)

extraits de Langage et école maternelle, Mireille Brigaudiot, ed. Retz



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