lundi 9 mai 2016

Le Brigaudiot nouveau, notes de lecture (12) : comprendre, apprendre, parler, réfléchir à propos du monde

2.2.B. Des enfants qui comprennent, apprennent, parlent et réfléchissent à propos du monde

Il y a beaucoup de malentendus dans ce domaine. Pour savoir exactement où on va, mieux vaut s’en tenir aux attendus de fin de cycle dans le Programme.
(…)
Il y a du vocabulaire. Il y a des habiletés. Il y a des connaissances. En revanche, il y a peu d’apprentissages conceptuels. C’est la sagesse. (…) En revanche, le langage du maître, associé à des manipulations (mais pas seulement), est le vrai médiateur des connaissances. Les concepts viendront plus tard.
Pour découvrir le monde et y mettre de l’ordre, les enfants ont besoin d’expériences de vie associées à du langage entendu.
(…) la valeur d’une définition réside dans son utilité et non pas seulement dans son exactitude. (…)
Je définis « avoir des connaissances du monde » pour un enfant de 2 à 6 ans, comme des possibilités :
- de classer-organiser les objets, les actions, les événements, de ses expériences de vie les uns par rapport aux autres,
- de nommer ces objets, actions, événements,
- de déplacer, adapter, réorganiser ces savoirs d’un contexte à un autre.
Voilà pourquoi le langage est décisif.

Formation      Les objets du monde en TPS-PS
> Ce qui est visé sur ces deux années n’est pas l’acquisition d’un vocabulaire qui serait une fin en soi. C’est d’un outil dont les enfants ont besoin, pour élargir et organiser leurs connaissances du monde. Par exemple, il est bon que le maître utilise un même objet aux aspects variés (toutes les assiettes qu’on a dans la classe). Il désigne lui-même tous ces référents, les rassemble et explique ce qui fait qu’ils vont ensemble. Et dans ces « exemplaires de », il ne faut pas oublier les images qui ont un rôle décisif dans les activités intellectuelles des enfants, ainsi que les dessins que les uns et les autres peuvent en faire (les maîtres, les grands, les parents, les illustrateurs d’albums, etc.) C’est ensuite qu’il peut proposer aux enfants de faire la même chose avec d’autres objets. Il sera très à l’écoute des déterminants utilisés par les enfants et sera rigoureux dans son propre langage.
> Il faut également au maître la capacité de comprendre les logiques des enfants, pour souvent les remettre sur les bonnes voies en faisant V.I.P. Il n’oublie pas les puissants outils intellectuels qui sont : « ça c’est/ça c’est pas » (contraste) « ça ressemble » (rapprochement), « c’est le même », ou « ça aussi c’est » (appartenance à une catégorie, etc.

Formation      Les objets du monde en MS
Les catégories de base sont constituées et les activités des enfants vont être de les réajuster sans cesse, grâce à leurs expériences et à ce qu’ils entendent dire par les adultes. Les catégories vont « bouger » dans plusieurs directions : elles vont être souvent binaires (en regardant un livre les enfants disent « ça c’est X, ça c’est pas X » (…), elles commencent à appartenir à des super-catégories (un jean est un pantalon et un vêtement), elles commencent à s’affranchir de contextes particuliers. Les enfants utilisent beaucoup leurs souvenirs (rôle de la mémoire de situations).
C’est l’époque des vraies questions : « comment ça s’appelle ça ? » attend une réponse, ce qui n’était pas le cas avant. Manquant en quelque sorte de signifiants, ils fabriquent des mots et expressions par différents moyens : par métaphore (« le menton du pied » pour désigner le coude, par agglutination (« déproche-moi » pour dire « écarte-moi de la table », par invention de morphème. Ils s’interrogent sur les expressions au pied de la lettre (…)
Attention, un enfant se trompe rarement de mot, il ne le connaît pas encore !

Les maîtres doivent donc d’abord répondre aux questions des enfants et rebondir sur leurs propositions avec un vrai souci de leur donner des connaissances.
Ils peuvent faire appel aux souvenirs des enfants en milieu scolaire pour rapprocher des événements ou des actions. Ils doivent expliquer aux enfants ce qu’il y aura de nouveau dans une situation qu’ils n’ont pas rencontrée. En aucun cas le « déguisement » des activités n’est souhaitable (utiliser un train pour utiliser les mois d’anniversaire ou des animaux pour des groupes d’enfants). Mieux vaut toujours appeler les choses par leurs noms, surtout en ZEP.

Formation      Les objets du monde en GS
La multiplication des expériences de vie joue un rôle décisif : les enfants vont organiser le monde en les mobilisant à travers des critères de fonctionnalité (« ça sert à », « on l’utilise quand ») et de causalité (« si ça a des ailes ça vole »). Ces aspects « transversaux » de la pensée sont des bases pour l’abstraction. Mais ils ont encore bien besoin des feed-back langagiers pour comprendre et nommer. La fréquence de l’emploi des mêmes mots et expressions dans des situations différentes est d’une aide considérable.

Conseils

° Eviter les listes de mots de vocabulaire à « introduire », ce n’est pas comme ça que les enfants apprennent. Profiter de toutes les occasions pour définir, expliquer, montrer, nommer. Cela pour souligner le fait qu’il faut leur dire et leur redire les choses et que ce n’est pas parce qu’on l’a fait qu’ils « savent ».

° Jouer avec des objets en donnant vous-mêmes les consignes (« je voudrais LE rouge », « je voudrais deux gros verts », et surtout en essayant d’y inclure des enfants qui n’ont pas l’air très intéressés. C’est important pour eux. Leur expliquer que pour trouver il faut bien écouter.

° Faire dessiner les enfants, avec la consigne « il faut que ça ressemble, qu’on le reconnaisse après ». C’est non seulement une activité qu’ils aiment mais elle fixe cognitivement les détails du réel. Il ne faut pas s’en priver, faire des dessins d’observation, chercher ce qui fait que le résultat ressemble ou pas, faire plusieurs dessins sur plusieurs jours après différentes observations, comparer les dessins du même enfant. Par exemple, le mouton de Julia, d’abord dessiné comme un bonhomme sur ces deux pieds, devient un animal à quatre pattes après la visite de la ferme.

° « Ouvrir la classe » hors des murs. Aller à la bibliothèque chercher tout ce qui est en rapport avec un thème de découvertes, regarder des documentaires dans les livres, dans des enregistrements filmés ou au cinéma.

° Faire des sorties proches de l’école, en les préparant, en rapportant des notes (oui, ils en sont capables, avec leurs moyens), en discutant au retour, en classe. Tout est intéressant pour eux : la boulangerie, la poste, la caserne de pompier, le poissonnier… et même la mairie.

° Avec les grands, en cadrant bien l’objet d’une recherche, on peut leur proposer de résoudre des problèmes de changements, de transformation, de causalité. D’abord entièrement limité à leur propre expérience, leur raisonnement s’en détache en fonction de l’instruction qu’ils reçoivent. Quelle instruction ? Il se pourrait bien, comme le dit Harris, qu’ils donnent une importance capitale aux dialogues qu’ils ont avec un maître, comme s’il savait que celui-ci les aide à aller au-delà de leur expérience.

La parole du maître vaut bien plus que ce qu’on croit.

extraits de Langage et école maternelle, Mireille Brigaudiot, ed. Retz



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