vendredi 9 août 2019

Essayer la MHM en maternelle : les fondamentaux (8) :l'importance de l'enseignement explicite

Dans son chapitre sur les appuis scientifiques, Nicolas Pinel publie dans les compléments un qr spécifique , un dossier sur l'enseignement explicite publié par l'Ifé.
Ce document est passionnant.
Après avoir rappelé les IO il donne de l'enseignement explicite des définitions assez différentes selon les chercheurs qui les utilisent. On y retrouve notamment celle de Goigoux-Cèbe :
"nécessité́ d’outiller, dès la maternelle, tous les élèves des procédures de base (chronologie, repérage dans l’espace, catégorisation, attention, compréhension de l’implicite, développement de la mémoire de travail, phonologie), en comprenant les causes plutôt qu’en se focalisant sur les effets des difficultés des élèves … car réussir n’est pas comprendre". D'autres chercheurs donnent en exemple une séance sur une carte de géographie qui illustre tout-à-fait la difficulté.
Réussir n'est pas comprendre : en maternelle, c'est une notion que les enseignants débutants ont beaucoup de mal à saisir, et j'aurais envie de rajouter, associer à celle de "échouer n'est pas ne pas comprendre". Et en même temps, c'est ce qui fait toute la difficulté de l'enseignement en maternelle, pas seulement en maternelle bien sûr, mais le phénomène est accentué par les soucis de langage et de réelle communication avec les enfants.
Dans le même paragraphe, le GFEN alerte sur les problèmes de l'explicitation qui peut accentuer les différences entre les enfants : "« [Certaines réponses] aux difficultés des élèves se traduisent par une adaptation des tâches dans le sens de la simplification, de la fragmentation, d’un surcroit d’aide qui, en fait, au lieu d’aider les élèves, viennent enkyster et accroitre la différence par rapport aux autres élèves, et donc participe à̀ asseoir les difficultés alors même que l'on voudrait les résoudre. Et tout ça à l’insu des enseignants... » .
Mon Dieu que c'est difficile !

Suit ensuite tout un descriptif de dispositif et de définitions pour nous aider à agir efficacement, c'est-à-dire à supprimer ce qui alourdit le dispositif et nous fait perdre des élèves en route. Mais j'avoue qu'en même temps la difficulté c'est de ne pas se perdre soi-même ... Tout me semble à la fois évident et extrèmement complexe, je me reconnais en même temps dans les points positifs et les négatifs ...
Sylvie Cèbe y parle des situations à privilégier, notamment comment régir la parole et l'action des élèves : ex. : le "comment fais-tu ?" notamment pendant l'activité :
" " Comment fais-tu ?" Cette simple question posée à l’élève par l’enseignant favorise une conscientisation de ses processus intellectuels et l’encourage à une activité mentale qui favorise le développement d’une capacité réflexive et ce dès le plus jeune âge. Pour ce faire l’élève a besoin de compétences langagières qui doivent être enseignées. Les nouveaux programmes demandent régulièrement à l’élève d’expliquer à l’enseignant autant que de s’expliquer à lui-même sa démarche intellectuelle. "
Sylvie Cèbe précise qu’il lui semble utile d’expliciter pendant l’activité : « il est important que les élèves soient conscients que l’explicitation des procédures rend leurs activités bien plus efficaces et que du coup ces procédures conscientisées sont transférables ». " C'est très difficile à manier, je m'en suis bien rendue compte dans mes situations-problèmes de l'année dernière; mais en même temps j'ai pu réaliser combien c'était efficace; mais je n'ai pas pu savoir en profondeur si pendant ce temps-là je "perdais" des élèves; franchement je ne le pense pas, car beaucoup ont eu l'air d'être intéressés, de se sentir concernés, alors qu'auparavant ils étaient très passifs ...

Suivent des interviews des chercheurs, très éclairants. Notamment les interventions de Sylvie Cèbe, et pour la maternelle :
"Comment faire pour que tout le monde comprenne ce qu'il y a à faire ? Même lorsque l'élève sait reformuler la consigne, rien ne garantit qu'il ait compris le sens de la tâche. Il faut donc aller au-delà de la reformulation et engager les élèves dans une réflexion autour des critères de réussites avec des questions du type :
▪ A quoi ressemblera cet exercice lorsque vous l’aurez réussi ? 

▪ Quelle est la règle du jeu qu'a en tête l'enseignante quand elle propose cette consigne ? 

▪ A quoi faut-il faire attention dans la tâche ? 
 (...)
Cela va nécessiter d'enseigner les compétences langagières requises pour expliciter les processus mis en œuvre. Les enseignants sollicitent régulièrement les élèves sur des explicitations en amont et en aval des activités, mais plus rarement pendant l’activité, alors que c’est sans doute là que ce serait le plus utile. Ainsi, dans une activité de tri d’objets en maternelle, c'est l’explicitation en temps réel de procédures efficaces, mais aussi l'usage d'un matériel adapté qui peut permettre réellement à l'élève de réaliser une exploration systématique de tous les objets, sans en oublier, et rendre toute vérification inutile puisque l'élève sait alors qu'il n'a oublié aucun objet, que chacun a bien été traité. C'est cette "explicitation en ligne" qui va permettre à l'élève d'apprendre des méthodes adaptées à toutes les tâches de tri, au-delà de celle-ci."
Jacques Bernardin pointe quatre moments importants dans la séance et/ou dans la séquence :
"▪ Les cinq premières minutes de cours, pour la présentation des enjeux de la tâche ainsi que du but de la tâche et de ses consignes.
▪ Au cours de la tâche, au moment propice, suspendre l’activité pour expliciter les procédures. Puis repenser les modalités de travail, proposer de réorienter la tâche pour faire évoluer l’activité des élèves.
▪ Le temps d’institutionnalisation. C’est le passage du réussir au comprendre, trop souvent éludé (ou pris en main de manière unilatérale par l’enseignant), pour dégager le noyau dur de l’activité et en faire un objet de savoir générique que les élèves pourront reconvoquer dans une classe de situations semblables.
▪ La transition, le tissage entre une séance et la suivante qui permet parfois de faire saisir à certains ce qui ne l’avait pas été lors de l’institutionnalisation."

Les chercheurs rappellent bien que ce n'est pas parce que les enfants font le même exercice de nombreuses fois sous la même forme qu'ils vont savoir s'approprier les procédures (exemple d'un questionnaire de lecture) : ", les études montrent que si cela peut fonctionner pour restituer des connaissances littérales, ce sera insuffisant pour apprendre à inférer, en sachant s'il faut mettre en relation différents éléments du texte, ou raisonner à partir de ses connaissances initiales..."






Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire