PARTIE 2. PRATIQUES DE CLASSE
L’ORAL
Objectif 1. Oser
entrer en communication
Pour travailler cet objectif, le maître aura le principe de
travail n°1 en « fond d’écran ». C’est de la vraie vie qu’il s’agit
et celle d’un enfant dépend de sa possibilité de dire, dans un milieu
non-familial, ou ressenti comme non-familier.
2.1.A. Ce qu’on entend par « communiquer » à
l’école maternelle
Le sens ordinaire de « communiquer » recouvre le fait d’échanger des informations.
Cela est effectivement possible pour des enfants, mais surtout en GS, et pour
certains enfants seulement. Ce n’est donc pas par là qu’il faut commencer en
maternelle. Mieux vaut commencer par l’échange a minima : un regard, un
sourire à propos d’une action, un mot qu’on ne comprend pas, un geste qui
engage une coopération. En maternelle, tous ces signaux de partage ET d’affect
valent début de communication. Pour cet
objectif, tout est dans le verbe « oser » (…) L’enjeu va donc bien
au-delà de la maternelle, il est vital. C’est pourquoi nous évoquerons ici ce
que l’école peut faire, surtout pour les enfants
prioritaires.
Seront considérés comme prioritaires
pour cet objectif : d’une part les enfants entrants en TPS ou PS,
d’autre part les enfants de tous niveaux qui restent en retrait lors des
regroupements, qui ne s’expriment pas du tout ou très peu en atelier, ceux qui
ne comprennent ni ne parlent le français, et les enfants arrivant dans l’école
en cours d’année.
Pour tous ces enfants, il faudra que le maître soit confiant
car ils vont parler, et ça pourra prendre du temps. Voilà schématiquement
comment progressent des enfants dans ce domaine lorsque tout va bien. Par
différentes modalités de communication, ils vont successivement :
1. pouvoir « dire », avec le langage ou pas, ce
qui leur va et surtout ce qui ne leur va pas dans cet environnement dans lequel
ils ont perdu leur famille, leurs repères ou leur langue familiale,
2. entrer dans un partage à plusieurs, avec le langage ou
pas,
3. participer à quelques prises de paroles dans la classe
4. oser parler, tout seul devant le groupe-classe,
(5. participer, avec le langage, à des échanges à plusieurs.
Cette dernière modalité de communication constitue
l’objectif 3 « échanger et réfléchir avec les autres ».)
(…) Pour l’enseignant, il s’agit de se débrouiller pour
apprivoiser un enfant, de mettre en route son langage dans la classe, comme il
le fait à la maison ou dans la cour. La clé du problème est toujours dans le
partage de quelque chose.
« Dans les relations quotidiennes entre l’enfant et
l’adulte, le but de l’adulte n’est pas d’enseigner le langage et celui de
l’enfant n’est pas de l’apprendre, mais le but de l’un et de l’autre est
d’arriver à se comprendre pour pouvoir ensemble réaliser des activités
quotidiennes et/ou partager des états mentaux ». J. Bernicot, La pragmatique des énoncés chez l’enfant.
2.1.B. Les actions du maître
Le maître installe des conditions rendant possibles les
débuts de la communication, puis accompagne les enfants pour qu’ils prennent de
plus en plus de risque, sans risque … En fait, c’est une intégration dans la
classe qui se joue. « Intégration » positive avec un maître qui va
montrer à l’enfant son désir de le prendre en compte en tant que personne.
Effet vertueux, l’enfant va lui-même faire son chemin d’intégration dans ce
lieu où il ne ressent aucune hostilité. Les relations entre l’enfant, sa famille,
le lieu d’école, le maître, les autres enfants et le groupe-classe vont se
tisser peu à peu. C’est le pari du maître.
2.1.B. ACTION 1. Tisser
des liens avec la famille
(…) Quelques attitudes et actions d’un enseignant qui
sécurisent et tranquillisent un enfant :
-
Inviter les parents à rester un moment dans la
classe, à leur arrivée le matin
-
Inviter les grands frères et sœurs à rester près
de l’enfant, sur une demi-journée ou pendant la récréation ou la cantine,
-
Inviter un parent d’enfant prioritaire pour qu’il apprenne au groupe-classe une
comptine ou une chanson dans la langue maternelle de l’enfant,
-
Evoquer verbalement tous les exploits possibles
de l’enfant en parlant aux parents devant l’enfant.
2.1.B. ACTION 2. Tisser
des liens enfant-maître
Ces liens ont pour but de donner à un enfant le pouvoir de « dire ».
Le non-verbal
est considéré comme une activité langagière quand il y a geste,
mimiques, regard ou action visant l’indication ou l’obtention de quelque chose
de la part d’un sujet enfant.
(…) Toutes les situations d’attention conjointe, avec un adulte qui « monologue »
à côté d’un enfant, à propos de ce qu’ils ont, ensemble, sous leurs yeux (jeu,
image, construction…) sont bonnes pour faire entrer un enfant en communication.
A l’inverse, vouloir « faire parler » un enfant, en étant face à lui et en attendant
certains produits langagiers plutôt que d’autres, est particulièrement
catastrophique parce que d’une part, il ne sait pas ce que veut l’adulte comme « bonne
réponse », d’autre part parce que cette réponse attendue, la plupart du
temps, n’est pas à sa portée (…)
En bilan, des actions simples sont possibles pour faire
entrer un enfant en communication avec le maître :
-
pratiquer des activités en attention conjointe,
avec lui et quelques enfants (situation idéale, 2 enfants de chaque côté de soi
devant une table) : avec un livre, avec des photos, avec de la pâte à
modeler, avec un jeu d’encastrement, avec un puzzle, en faisant un dessin,
etc.,
-
commenter son activité d’adulte et au bout d’un
moment, faire semblant de se tromper (…)
-
choisir une production d’enfant prioritaire pour
montrer son exploit en bilan d’atelier (construction, dessin, modelage…)
En définitive, avec un enfant
dont on attend qu’il ose communiquer, plutôt que de parler À cet enfant, parler
À CÔTÉ de lui et parler DE LUI aux autres enfants.
2.1.B. ACTION 3. Tisser
des liens enfant-enfants
Pour tisser des liens entre enfants, le moyen privilégié c’est
les jeux.
2.1.B. ACTION 4. Tisser
des liens enfant-groupe-classe
Parmi les activités orales de tout un chacun, la plus
complexe (et la plus stressante parfois) est le fait de s’adresser seul à un auditoire. (…) bien se
débrouiller signifie : leur parler de quelque chose qui les intéresse,
gérer son discours de manière à ce qu’ils puissent suivre (annonce,
introduction, ordre de présentation des faits, récapitulatif), prononcer
clairement et de manière audible, jouer de l’intonation, des pauses et des
accents pour mettre en valeur certains éléments.
Quand un enfant peut commencer à faire quelque chose qui s’en
rapproche, on peut dire qu’il a fini d’apprendre à parler et qu’il commence à
tenir des discours (…) en GS (…)
Le maître doit d’abord expliquer aux enfants de quoi il s’agit
et à quoi ça leur sert : de temps en temps, je demanderai à un enfant de
venir à ma place pour dire ou présenter quelque chose aux copains, ça vous
apprendra à parler tout seul devant les autres, comme les grands, et c’est
difficile mais vous allez tous y arriver ».
Dans cette optique, les enseignants de PS utilisent parfois
un personnage (mascotte) qui fit le lien entre l’enfant et l’école. La mascotte
a un nom, elle fait partie de la classe. L’enseignant la présente aux enfants (…)
elle ira dormir chez un enfant chaque jour. (…)
Les enfants sont extrêmement attentifs au dialogue entre la
maîtresse et Pierre. Ils savent qu’ils auront à raconter, à leur tour. (…) L’intérêt
de cette situation d’invention d’événements se joue sur plusieurs tableaux :
le jeu symbolique, un récit possible et imaginaire à la fois, de la clarté
nécessaire dans les propos parce qu’aucun auditeur n’était présent lors des
faits relatés. C’est parfait.
Voilà des exemples d’autres situations de langage devant le
groupe, de la moins difficile (texte su par cœur), à la plus difficile (gestion
du contenu et prise en compte des réactions de l’auditoire) :
-
proposer à un enfant de venir dire une comptine,
-
proposer à un enfant de raconter une histoire qu’il
connaît bien, pendant que le maître tourne les pages,
-
proposer à un enfant de raconter un événement
qui s’est déroulé hors classe mais dans l’école (cantine, récréation)
-
proposer à un enfant de commenter un dessin qu’il
a fait
-
proposer à un enfant de raconter une histoire
connue du groupe mais sans rien dans les mains.
Conseils
° On évite de faire entrer les événements familiaux dans la classe (…)
° On répète/reformule à la place
de l’enfant qui n’ose pas parler fort (…)
° On accepte les objets venant de la maison et dont les
enfants veulent parler (…)
extraits de Langage et école maternelle, Mireille Brigaudiot, ed. Retz
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