Objectif 4. Commencer à réfléchir sur la langue et acquérir une « conscience
phonologique »
2.4.A. Problématique
(…) (cet objectif) est le dernier de la partie sur l’oral dans le programme. Ce n’est pas
le hasard : il s’inscrit dans les pratiques orales des enfants ET il est
une condition pour les premières conquêtes de l’écrit. L’Objectif 4 est donc à considérer comme une « charnière » entre oral et écrit.
Il s’agit d’un objectif très particulier qui a pour objet de
conduire les enfants, et même de les « obliger », à quitter, un
moment, leur activité naturelle de langage. Car il n’y a pas de continuité
entre les activités en langage et
sur la langue. Il y a rupture. (…) Ainsi, les activités langagières et les activités
sur la langue appartiennent à deux mondes.
Pour comprendre cette question centrale, source de très
nombreux échecs scolaires, il faut admettre la non-continuité entre 2 niveaux
d’analyse :
- le niveau des textes, produits de l’activité langagière d’un sujet. Ces textes sont porteurs de sens, que les auteurs ont construits en
les prononçant/écrivant. (…) La totalité des énoncés s’appelle un texte.
- le niveau des unités plus petites, les syllabes et leurs composants les phonèmes. (…) Ces unités n’ont ni sens ni signification. (…)
La syllabe est donc une unité linguistique utilisée très tôt mais de manière
totalement non-consciente.
Or, dans l’objectif 4 du Programme, les enfants doivent « acquérir une conscience phonologique ».
Je suis très réticente. (…)
En conclusion, cet
objectif relève plus d’un « apprivoisement » aux composants d’une
langue que d’une réflexion à son sujet.
(…) pourquoi ? (…)
Alors que les enfants savent parler, ils vont devoir
comprendre que le français écrit
utilise un système alphabétique fondé, en grande partie, sur un codage des phonèmes
(…). Ils doivent avoir découvert le « principe alphabétique »
c’est-à-dire avoir découvert que les lettres sont des signes à double statut : un recto qui est leur forme et
leur nom, un verso qui est leur valeur sonore (phonème). Il faut absolument
travailler le double statut simultanément. (…) Cette sensibilisation n’est pas
un objectif en soi, ce n’est qu’un des moyens pour atteindre l’Objectif 8 :
découvrir le principe alphabétique.
2.4.B. Progression d’enseignement
Formation Eléments de phonologie
du français
Et incidences dans
la classe
Une
syllabe (sonore) est un groupe sonore contenant
une et une seule voyelle. Ne pas confondre avec les syllabes
écrites. (…)
Vers 3 ans, les enfants savent frapper les syllabes d’un
énoncé sans problème parce qu’e c’est une capacité précoce. C’est donc ce qui
explique que nos élèves de 5-6 ans qui auront découvert le principe alphabétique commenceront souvent par encoder les syllabes
facilement perçues. Encoder veut dire coder une
unité sonore en l’écoutant par auto-prononciation. (…) C’est tout ce qu’on veut pour la fin de la GS avec l’Objectif 8 du Programme.
2.4.C. Conseils aux maîtres
Ce qui est perturbant
pour les maîtres est le fait d’avoir un objectif ne visant QUE l’écrit et qui
ne peut être travaillé par les enfants QUE dans l’oral. Cela leur donne envie
de faire travailler les enfants sur des supports papier, ce qui va noyer les enfants prioritaires. (…)
On peut donc
commencer par ce qui est à éviter :
- ne pas
demander aux enfants de trouver eux-mêmes, dans l’univers de la langue, des
petites unités. Ex : trouvez des
mots où on entend oua »
- ne pas donner aux enfants de matériel écrit
ou dessiné à manipuler.
PROGRESSION
D’ENSEIGNEMENT
L’enseignant doit avoir ici l’obsession de ne pas perdre d’enfants.
Les principes de travail sont les suivants :
1. le maître survalorisera les essais spontanés des enfants.
2. il ne demandera pas aux enfants quelque chose dans l’univers
des petites unités sonores car les enfants fragiles seraient perdus. Il va
sélectionner des éléments de la langue (…), les décontextualiser devant eux (« dans Nono on entend 2 fois no, no-no ») leur demander d’écouter
(c’est bien plus qu’entendre) puis d’en dire quelque chose
3. les moments de travail sur la langue doivent être des
jeux. J’appelle jeux phoniques ces
jeux portant sur les petites unités de langue (…)
> TPS
Aucune véritable activité sur la langue n’est possible. Les
enfants auront cependant à répéter des comptines et des chansons
> PS
Toute l’année, le maître fait apprendre des comptines et des chansonnettes qui
permettent d’entendre nettement les syllabes. Il choisit des textes avec des
rimes ou des assonances. (…) Dans le cours de l’année, une fois que les enfants
en savent beaucoup, le maître peut attirer leur attention sur la langue en
donnant à entendre les textes sans
mélodie (en parlant, sans chantonner) et avec des syllabes remplacées par
un bruit. C’est le jeu « retrouver
la comptine ». On leur dit à quoi ça servira : « vous commencez à écouter les bruits
qu’on fait quand on parle, ça vous servira beaucoup pour apprendre à lire et à
écrire. »
> MS
En début d ‘année, le maître reprend ces comptines bien
connues des enfants et annonce qu’il va faire d’autres jeux.
Le « jeu des
rimes » : « comme vous
connaissez toutes les comptines de l’an dernier qu’on a redites, je vais vous
demander plus difficile, il faut travailler avec ses oreilles pour trouver ce
qu’on entend de pareil. (…) Il le dit lui-même, segmente des morceaux
rimés, monte la voix sur la rime. Les enfants continuent sur d’autres exemples,
toujours en réception, et il ne leur
demande pas de fabriquer des rimes.
Ces jeux sont quotidiens, rassemblés sur des périodes, car les
enfants mettent longtemps à comprendre ce qu’on leur demande. Une fois le jeu
réussi par tous les enfants, une nouvelle série est présentée. Par exemple le « jeu des onomatopées ». Suites de
syllabes non-ordinaires et répétées, elles sont facilement discriminées très tôt
chez les tout petits. Pour faire trouver aux enfants qui ou ce qui fait ce
bruit, il faut les dire sans intonation marquée, puis avec l’intonation une
fois qu’ils ont trouvé : avec les cris d’animaux (…) Le but n’est pas que les
enfants reconnaissent les onomatopées du premier coup mais qu’ils soient
attentifs dans leur écoute.
Avec le jeu « retrouver
l’enfant » on travaille sur les suites prénom+nom
> GS
A ce niveau, il faut s’habituer à faire ces jeux avec les
enfants les moins performants, quitte à ne garder plus que les enfants prioritaires à certains
moments. Car autrement c’est un moyen infaillible pour creuser les écarts.
Pour tous, l’important est ici d’attire l’attention des
enfants sur ces « bouts de langue ». je ne suis pas favorable à des
entraînements visant à la virtuosité.
Durant cette année, on va « descendre »au niveau
des phonèmes, avec des précautions. (…) le « jeu des petits bruits de mon prénom » (…) Avec d’autres mots que le maître
décontextualise lui-même, c’est aussi possible s’il les donne aux enfants en
prenant soin de circonscrire un champ précis : …fruits et légumes.
On peut considérer que ce niveau d’expertise (parce que c’en
est une) suffit pour aider à la découverte du principe alphabétique. On n’ira
pas plus loin.
A tous les niveaux
Je suis persuadée que ce recul sur la langue est une habileté
qui est renforcée dans les familles où règnent les plaisanteries. Je les
conseille aux maîtres. C’est aussi une habitude (…) Ces irruptions, qui sont
des ruptures dans le langage du maître, non seulement créent de la connivence
avec les enfants, mais les rendent aussi extrêmement attentifs aux paroles
magistrales.
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