2.2.B. Des enfants qui comprennent, apprennent,
parlent et réfléchissent à propos du monde
Il y a beaucoup de malentendus dans ce domaine. Pour savoir
exactement où on va, mieux vaut s’en tenir aux attendus de fin de cycle dans le
Programme.
(…)
Il y a du vocabulaire. Il y a des habiletés. Il y a des
connaissances. En revanche, il y a peu d’apprentissages conceptuels. C’est la sagesse.
(…) En revanche, le langage du maître,
associé à des manipulations (mais pas seulement), est le vrai médiateur des
connaissances. Les concepts viendront plus tard.
Pour découvrir le
monde et y mettre de l’ordre, les enfants ont besoin d’expériences de vie
associées à du langage entendu.
(…) la valeur d’une définition réside dans son utilité et
non pas seulement dans son exactitude. (…)
Je définis « avoir
des connaissances du monde » pour un enfant de 2 à 6 ans, comme des
possibilités :
- de classer-organiser les objets, les actions, les
événements, de ses expériences de vie les uns par rapport aux autres,
- de nommer ces objets, actions, événements,
- de déplacer, adapter, réorganiser ces savoirs d’un
contexte à un autre.
Voilà pourquoi le langage est décisif.
Formation Les objets du monde en TPS-PS
> Ce qui
est visé sur ces deux années n’est pas l’acquisition d’un vocabulaire qui
serait une fin en soi. C’est d’un outil dont les enfants ont besoin, pour
élargir et organiser leurs connaissances du monde. Par exemple, il est bon que
le maître utilise un même objet aux aspects variés (toutes les assiettes qu’on
a dans la classe). Il désigne lui-même
tous ces référents, les rassemble et explique ce qui fait qu’ils vont
ensemble. Et dans ces « exemplaires de », il ne faut pas oublier les
images qui ont un rôle décisif dans les activités intellectuelles des enfants,
ainsi que les dessins que les uns et les autres peuvent en faire (les maîtres,
les grands, les parents, les illustrateurs d’albums, etc.) C’est ensuite qu’il
peut proposer aux enfants de faire la même chose avec d’autres objets. Il sera
très à l’écoute des déterminants utilisés par les enfants et sera rigoureux
dans son propre langage.
> Il
faut également au maître la capacité de comprendre les logiques des enfants,
pour souvent les remettre sur les bonnes voies en faisant V.I.P. Il n’oublie
pas les puissants outils intellectuels qui sont : « ça c’est/ça c’est pas » (contraste)
« ça ressemble »
(rapprochement), « c’est le même »,
ou « ça aussi c’est » (appartenance
à une catégorie, etc.
Formation Les objets du monde en MS
Les catégories
de base sont constituées et les activités des enfants vont être de les réajuster
sans cesse, grâce à leurs expériences et à ce qu’ils entendent dire par les
adultes. Les catégories vont « bouger » dans plusieurs directions :
elles vont être souvent binaires (en
regardant un livre les enfants disent « ça c’est X, ça c’est pas X » (…), elles commencent à
appartenir à des super-catégories (un
jean est un pantalon et un vêtement), elles commencent à s’affranchir de
contextes particuliers. Les enfants utilisent beaucoup leurs souvenirs (rôle de
la mémoire de situations).
C’est l’époque
des vraies questions : « comment
ça s’appelle ça ? » attend une réponse, ce qui n’était pas le cas
avant. Manquant en quelque sorte de signifiants, ils fabriquent des mots et expressions par différents moyens : par
métaphore (« le menton du pied »
pour désigner le coude, par agglutination (« déproche-moi » pour dire « écarte-moi de la table », par invention de morphème. Ils s’interrogent
sur les expressions au pied de la lettre (…)
Attention,
un enfant se trompe rarement de mot, il ne le connaît pas encore !
Les maîtres doivent donc d’abord répondre aux questions des
enfants et rebondir sur leurs propositions avec un vrai souci de leur donner
des connaissances.
Ils peuvent faire appel aux souvenirs des enfants en milieu
scolaire pour rapprocher des événements ou des actions. Ils doivent expliquer
aux enfants ce qu’il y aura de nouveau dans une situation qu’ils n’ont pas
rencontrée. En aucun cas le « déguisement » des activités n’est
souhaitable (utiliser un train pour utiliser les mois d’anniversaire ou des
animaux pour des groupes d’enfants). Mieux
vaut toujours appeler les choses par leurs noms, surtout en ZEP.
Formation Les objets du monde en GS
La
multiplication des expériences de vie joue un rôle décisif : les enfants
vont organiser le monde en les mobilisant à travers des critères de
fonctionnalité (« ça sert à », « on
l’utilise quand ») et de causalité (« si ça a des ailes ça vole »). Ces aspects « transversaux »
de la pensée sont des bases pour l’abstraction. Mais ils ont encore bien besoin
des feed-back langagiers pour comprendre et nommer. La fréquence de l’emploi
des mêmes mots et expressions dans des situations différentes est d’une aide
considérable.
Conseils
° Eviter les listes de mots de vocabulaire à « introduire »,
ce n’est pas comme ça que les enfants apprennent. Profiter de toutes les
occasions pour définir, expliquer,
montrer, nommer. Cela pour souligner le fait qu’il faut leur dire et leur
redire les choses et que ce n’est pas parce qu’on l’a fait qu’ils « savent ».
° Jouer avec des objets en donnant vous-mêmes les consignes (« je voudrais LE rouge », « je voudrais deux gros verts »,
et surtout en essayant d’y inclure des enfants qui n’ont pas l’air très
intéressés. C’est important pour eux. Leur expliquer que pour trouver il faut
bien écouter.
° Faire dessiner les enfants, avec la consigne « il faut que ça ressemble, qu’on le
reconnaisse après ». C’est non seulement une activité qu’ils aiment
mais elle fixe cognitivement les détails du réel. Il ne faut pas s’en priver,
faire des dessins d’observation, chercher ce qui fait que le résultat ressemble
ou pas, faire plusieurs dessins sur plusieurs jours après différentes observations,
comparer les dessins du même enfant. Par exemple, le mouton de Julia, d’abord
dessiné comme un bonhomme sur ces deux pieds, devient un animal à quatre pattes
après la visite de la ferme.
° « Ouvrir la
classe » hors des murs. Aller à la bibliothèque chercher tout ce qui
est en rapport avec un thème de découvertes, regarder des documentaires dans les livres, dans des enregistrements filmés ou
au cinéma.
° Faire des sorties
proches de l’école, en les préparant, en rapportant des notes (oui, ils en sont
capables, avec leurs moyens), en discutant au retour, en classe. Tout est
intéressant pour eux : la boulangerie, la poste, la caserne de pompier, le
poissonnier… et même la mairie.
° Avec les grands, en cadrant bien l’objet d’une recherche,
on peut leur proposer de résoudre des problèmes
de changements, de transformation, de causalité. D’abord entièrement limité à
leur propre expérience, leur raisonnement
s’en détache en fonction de l’instruction qu’ils reçoivent. Quelle instruction ?
Il se pourrait bien, comme le dit Harris, qu’ils donnent une importance
capitale aux dialogues qu’ils ont avec un maître, comme s’il savait que
celui-ci les aide à aller au-delà de leur expérience.
La parole du maître vaut bien plus que ce qu’on croit.
extraits de Langage et école maternelle, Mireille Brigaudiot, ed. Retz
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