Objectif 6. Découvrir
la fonction de l’écrit
INTRODUCTION
Il produit des effets
sur quelqu’un parce que c’est une trace de l’activité langagière d’une autre
personne.
Nous avons donc à montrer à tous, en maternelle, qu’un écrit est quelque chose qui
« dit » quand on le lit et qui permet de « dire » quand on
l’écrit. C’est ce qu’on appelle ici « fonction » de l’écrit,
qu’on pourrait appeler « nature » de l’écrit ou
« pouvoir » de l’écrit, peu importe.
(…) Quand je dis qu’ici que les enfants seront en production
d’écrit, ça ne veut pas du tout dire qu’ils vont le faire seuls, ça veut dire qu’ils vont le voir faire. On est donc, au
départ en PS, en amont de la ZPA :
le maître intervient lui-même dans du « pas encore là »
On distinguera 3 types d’écrits en prenant le point de vue
des enfants que nous accueillons en maternelle :
- les écrits courts, qu’ils vont tous voir produire et voir
utiliser dès la première année,
- les écrits moyens, plus longs, utilisés de temps en temps
et pas dans toutes les classes,
- les grands écrits, qui seront réalisés sur des périodes
longues parce qu’ils nécessitent beaucoup de travail.
Les petits écrits
sont les dessins et les prénoms. Il faudrait ajouter les
nombres que nous ne traitons pas dans ce livre. Les écrits « moyens »
sont le calendrier, les pense-bêtes, le carnet de correspondance, les messages.
Ces petits et moyens
écrits sont les meilleures productions pour travailler cet objectif 6.
Les grands écrits
sont les panneaux informatifs destinés
aux parents et les histoires inventées
et écrites pour les familles. Ces grands écrits sont les meilleures productions
pour travailler l’Objectif 7 (…)
A. Les dessins
C’est parce que les adultes mettent du sens dans un tracé
que les enfants vont avoir envie de continuer (…) les enfants vont très tôt offrir leurs dessins. Sur le plan
cognitif cet acte est décisif pour l’Objectif 6. Il scelle la valeur symbolique du tracé comme
partage. Il faut donc en profiter en classe : valoriser les
exploits-dessins, les afficher avec les enfants pour les montrer aux familles
et aux autres enfants de l’école, choisir ce qui est offert et à qui, mettre
les destinataires dans la connivence pour qu’ils valorisent, eux-aussi le
tracé. (…)
Le fondement de la fonction de l’écrit est en place :
il sert à transmettre ou produire un effet sur autrui.
B. Les prénoms
Je propose de revoir profondément l’utilisation de cet écrit
particulier.
Tout d’abord, il doit garder son statut privilégié,
- parce qu’il est tracé très tôt en famille et qu’on a là
une belle continuité famille-école,
- parce qu’il est le tracé linguistique possédant la plus
forte valeur symbolique qui soit, celle du sujet enfant.
Notre travail consiste donc, pour cet objectif, à montrer et
à expliquer aux enfants les valeurs possibles
de cet écrit, dans le contexte classe.
Un prénom, dans une classe, est un moyen :
- de fixer la présence
d’un enfant dans le lieu-classe (…)
- de fixer l’appartenance
de quelque chose à un enfant (…)
- de donner une place
à chaque enfant du groupe (…)
- et bien sûr de fixer l’identité d’un enfant (…)
PS
Le travail du maître
- En tout début d’année : M prend plusieurs jours pour
écrire le prénom de chaque enfant, devant
lui.
- Une fois que tous les enfants ont assisté à cette
production du maître, il montre d’où
viendront les exemplaires d’étiquettes-prénoms qu’ils auront. Ils doivent
savoir qu’elles sont toutes identiques
- Quand tous les enfants ont leur « page » de
prénoms, en ateliers, ils les découpent, les rangent dans une boîte, dans leur
casier et M leur explique la
« fonction » de ce mot écrit pas comme les autres.
- L’appartenance
est en place. Après chaque production, M donne l’habitude aux enfants de coller
dessus leur étiquette-prénom. Et il rappelle
son intérêt.
- M est rigoureux
dans la désignation de ces tracés
(devant un prénom éviter de dire « c’est
toi » ou « c’est ton
étiquette » et dire « c’est
ton prénom, c’est écrit Sonia »
- On peut passer aux fonctions identité et présence. M explique.
Tout ça doit être entendu par les enfants pour qu’ils se
sentent en sécurité et qu’ils comprennent que l’école est une seconde maison
dans laquelle les adultes se soucient d’eux.
C’est le cahier d’appel qui justifient ces étiquettes de présence que tout le monde
utilise. (…) (Dans son cahier d’appel, le maître) valide
ainsi le travail des enfants
- L’écriture du prénom devant chaque enfant est pratiquée
chaque année, à la rentrée, en PS, en MS, en GS. En GS elle devient l’écriture
du prénom et du nom.
A partir de la MS et jusqu’en fin de GS, le maître peut
utiliser le prénom écrit pour désigner la place
de chaque enfant (panneaux d’ateliers libres, etc.)
Par ailleurs, dans le courant de la MS, un événement est
présenté par le maître : « maintenant
que vous savez tous écrire votre prénom et que je peux le lire, vous ne
collerez plus votre prénom sur votre travail, vous l’écrirez
C. Le calendrier
(…) l’écrit relatif au temps (est) un moyen d’obtenir des
effets, essentiellement :
- pour repérer une
date, en retrouvant le jour où quelque chose a eu lieu antérieurement ou en
notant le jour où quelque chose va se passer dans le futur,
- pour évaluer une
durée, ce qui nous sépare d’un moment, ce qui sépare deux moments entre
eux.
Ce sont ces usages
qu’il faut faire découvrir aux enfants. Les calendriers ne sont que des outils.
D. Les pense-bêtes
Curieusement, les pense-bêtes sont utilisés en maternelle,
mais à l’insu des enfants, ou presque. C’est pourtant un bon moyen pour
expliquer aux enfants la fonction de
l’écrit.
Les pense-bêtes peuvent être des listes. (…) Il faut avoir le réflexe « de l’écrit »
devant les enfants, en connivence. (…) Il utilise des post-it.
E. Le carnet de correspondance
Le carnet de correspondance est un des moyens les plus
simples à utiliser pour atteindre l’Objectif 6. Il a pour fonction d’informer les parents.
Dès la PS, et tout au long du cycle, il faut
absolument que les enfants sachent à quoi sert ce carnet et ce qu’il contient.
Si une information est purement administrative, elle est lue par la maîtresse
et expliquée. Si elle touche la vie de la classe, elle est écrite devant eux,
photocopiée avec eux, collée dans le carnet par eux. Avant la sortie de classe,
la maîtresse leur rappelle ce qu’ils ont mis dans leur carnet et s’ils auront à
demander aux parents de répondre. Quand c’est le cas, la maîtresse reprend
quelques carnets à leur retour et montre des réponses aux enfants.
F. Les messages
L’immense intérêt
d’un message est d’être un écrit court, au contenu qui intéresse les
enfants, clairement identifié dans son moment de production, son auteur, son
destinataire et son effet attendu. On ne peut pas espérer mieux ! Les
messages seront donc produits, d’abord
devant les enfants, puis avec les enfants, puis par les enfants tout au long du
cycle.
Les messages dans la vie réelle
Toutes les occasions sont bonnes (…). Les conditions pour
atteindre l’objectif sont :
- que les enfants assistent et/ou participent à la production,
- qu’il y ait toujours un ou des enfants témoins de l’effet du message.
° En PS, comme
avec les écrits précédents, c’est l’enseignant qui explique tout aux enfants et
écrit devant eux. Plus les enfants sont concernés par le message, plus ils en
comprendront l’effet.
(…) Les enfants ne sont pas très au clair jusqu’en MS (…) J’appelle
cette expérience « vivre la boucle
de l’écrit » car chaque enfant est à la fois auteur d’un écrit et
récepteur de son effet.
Remarque :
Pour que les messages fonctionnent dans une école, tous les
adultes (équipe d’école) doivent être
d’accord sur le principe : il s’agit d’un véritable outil de travail.
° En MS ou en GS une visite préparée et commentée de la Poste est très intéressante. On
commence par expliquer aux enfants qu’ils vont s’envoyer quelque chose par la
poste et qu’ils vont apprendre plein de choses avec ce jeu. (…)
° A parti de la GS,
selon les habitudes d’écriture individuelle régulière des enfants, une commande
peut leur être adressée. (…)
Cependant cet objectif 6 est difficile pour certains
enfants. C’est pourquoi, à partir de la MS,
il faut faire plus avec les enfants
prioritaires : le maître travaille la production d’un premier message,
en atelier avec eux, puis il recommence ne collectif avec tous les enfants.
Ainsi, les enfants prioritaires assistent deux fois à la production
du même message et peuvent constater qu’il ne s’agit pas exactement des mêmes
formulations. C’est une manière de leur donner
de l’avance.
Bien sûr, il est très intéressant d’expliquer aux enfants qu’il
y a d’autres moyens de « se parler en écrivant » et de les leur faire
vivre :
- une expérience de
texto (…)
- une expérience de
courrier électronique
On profite de ces expériences pour montrer et expliquer
ressemblances et différences des différents écrits (dans un courrier sur papier
vs électronique) : comment on sait qui a écrit, à qui, et quand il l’a
fait.
Les messages dans la vie réelle
Il s’agit du croisement du travail intellectuel de production d’écrit évoqué précédemment ET de la prise en compte des états mentaux de personnages de fiction
connus. D’une part les enfants adorent, d’autre part, le maître a, là aussi,
une évaluation bien intéressante.
De très nombreuse histoires permettent cette
situation-problème : que pourrait bien écrire X à Y pour que … ?
(…)
extraits de Langage et école maternelle, Mireille Brigaudiot, ed. Retz
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