lundi 30 mai 2016

Le Brigaudiot nouveau, notes de lecture (18) : découvrir la fonction de l'écrit

Objectif 6. Découvrir la fonction de l’écrit

INTRODUCTION

Il produit des effets sur quelqu’un parce que c’est une trace de l’activité langagière d’une autre personne.
Nous avons donc à montrer à tous, en maternelle, qu’un écrit est quelque chose qui « dit » quand on le lit et qui permet de « dire » quand on l’écrit. C’est ce qu’on appelle ici « fonction » de l’écrit, qu’on pourrait appeler « nature » de l’écrit ou « pouvoir » de l’écrit, peu importe.
(…) Quand je dis qu’ici que les enfants seront en production d’écrit, ça ne veut pas du tout dire qu’ils vont le faire seuls, ça veut dire qu’ils vont le voir faire. On est donc, au départ en PS, en amont de la ZPA : le maître intervient lui-même dans du « pas encore là »

On distinguera 3 types d’écrits en prenant le point de vue des enfants que nous accueillons en maternelle :
- les écrits courts, qu’ils vont tous voir produire et voir utiliser dès la première année,
- les écrits moyens, plus longs, utilisés de temps en temps et pas dans toutes les classes,
- les grands écrits, qui seront réalisés sur des périodes longues parce qu’ils nécessitent beaucoup de travail.

Les petits écrits sont les dessins et les prénoms. Il faudrait ajouter les nombres que nous ne traitons pas dans ce livre. Les écrits « moyens » sont le calendrier, les pense-bêtes, le carnet de correspondance, les messages.
Ces petits et moyens écrits sont les meilleures productions pour travailler cet objectif 6.
Les grands écrits sont les panneaux informatifs destinés aux parents et les histoires inventées et écrites pour les familles. Ces grands écrits sont les meilleures productions pour travailler l’Objectif 7 (…)

A. Les dessins

C’est parce que les adultes mettent du sens dans un tracé que les enfants vont avoir envie de continuer (…) les enfants vont très tôt offrir leurs dessins. Sur le plan cognitif cet acte est décisif pour l’Objectif 6. Il scelle la valeur symbolique du tracé comme partage. Il faut donc en profiter en classe : valoriser les exploits-dessins, les afficher avec les enfants pour les montrer aux familles et aux autres enfants de l’école, choisir ce qui est offert et à qui, mettre les destinataires dans la connivence pour qu’ils valorisent, eux-aussi le tracé. (…)
Le fondement de la fonction de l’écrit est en place : il sert à transmettre ou produire un effet sur autrui.

B. Les prénoms

Je propose de revoir profondément l’utilisation de cet écrit particulier.

Tout d’abord, il doit garder son statut privilégié,
- parce qu’il est tracé très tôt en famille et qu’on a là une belle continuité famille-école,
- parce qu’il est le tracé linguistique possédant la plus forte valeur symbolique qui soit, celle du sujet enfant.
Notre travail consiste donc, pour cet objectif, à montrer et à expliquer aux enfants les valeurs possibles de cet écrit, dans le contexte classe.

Un prénom, dans une classe, est un moyen :
- de fixer la présence d’un enfant dans le lieu-classe (…)
- de fixer l’appartenance de quelque chose à un enfant (…)
- de donner une place à chaque enfant du groupe (…)
- et bien sûr de fixer l’identité d’un enfant (…)



PS
Le travail du maître  
- En tout début d’année : M prend plusieurs jours pour écrire le prénom de chaque enfant, devant lui.
- Une fois que tous les enfants ont assisté à cette production du maître, il montre d’où viendront les exemplaires d’étiquettes-prénoms qu’ils auront. Ils doivent savoir qu’elles sont toutes identiques
- Quand tous les enfants ont leur « page » de prénoms, en ateliers, ils les découpent, les rangent dans une boîte, dans leur casier et M leur explique la « fonction » de ce mot écrit pas comme les autres.
- L’appartenance est en place. Après chaque production, M donne l’habitude aux enfants de coller dessus leur étiquette-prénom. Et il rappelle son intérêt.
- M est rigoureux dans la désignation de ces tracés          (devant un prénom éviter de dire « c’est toi » ou « c’est ton étiquette » et dire « c’est ton prénom, c’est écrit Sonia »
- On peut passer aux fonctions identité et présence. M explique.
Tout ça doit être entendu par les enfants pour qu’ils se sentent en sécurité et qu’ils comprennent que l’école est une seconde maison dans laquelle les adultes se soucient d’eux.
C’est le cahier d’appel qui justifient ces étiquettes            de présence que tout le monde utilise.   (…)  (Dans son cahier d’appel, le maître) valide ainsi le travail des enfants

- L’écriture du prénom devant chaque enfant est pratiquée chaque année, à la rentrée, en PS, en MS, en GS. En GS elle devient l’écriture du prénom et du nom.

A partir de la MS et jusqu’en fin de GS, le maître peut utiliser le prénom écrit pour désigner la place de chaque enfant (panneaux d’ateliers libres, etc.)

Par ailleurs, dans le courant de la MS, un événement est présenté par le maître : « maintenant que vous savez tous écrire votre prénom et que je peux le lire, vous ne collerez plus votre prénom sur votre travail, vous l’écrirez

C. Le calendrier

(…) l’écrit relatif au temps (est) un moyen d’obtenir des effets, essentiellement :
- pour repérer une date, en retrouvant le jour où quelque chose a eu lieu antérieurement ou en notant le jour où quelque chose va se passer dans le futur,
- pour évaluer une durée, ce qui nous sépare d’un moment, ce qui sépare deux moments entre eux.
Ce sont ces usages qu’il faut faire découvrir aux enfants. Les calendriers ne sont que des outils.

D. Les pense-bêtes

Curieusement, les pense-bêtes sont utilisés en maternelle, mais à l’insu des enfants, ou presque. C’est pourtant un bon moyen pour expliquer aux enfants la fonction de l’écrit.
Les pense-bêtes peuvent être des listes. (…) Il faut avoir le réflexe « de l’écrit » devant les enfants, en connivence. (…) Il utilise des post-it.

E. Le carnet de correspondance

Le carnet de correspondance est un des moyens les plus simples à utiliser pour atteindre l’Objectif 6. Il a pour fonction d’informer les parents.
Dès la PS, et tout au long du cycle, il faut absolument que les enfants sachent à quoi sert ce carnet et ce qu’il contient. Si une information est purement administrative, elle est lue par la maîtresse et expliquée. Si elle touche la vie de la classe, elle est écrite devant eux, photocopiée avec eux, collée dans le carnet par eux. Avant la sortie de classe, la maîtresse leur rappelle ce qu’ils ont mis dans leur carnet et s’ils auront à demander aux parents de répondre. Quand c’est le cas, la maîtresse reprend quelques carnets à leur retour et montre des réponses aux enfants.

F. Les messages

L’immense intérêt d’un message est d’être un écrit court, au contenu qui intéresse les enfants, clairement identifié dans son moment de production, son auteur, son destinataire et son effet attendu. On ne peut pas espérer mieux ! Les messages seront donc produits, d’abord devant les enfants, puis avec les enfants, puis par les enfants tout au long du cycle.

Les messages dans la vie réelle

Toutes les occasions sont bonnes (…). Les conditions pour atteindre l’objectif sont :
- que les enfants assistent et/ou participent à la production,
- qu’il y ait toujours un ou des enfants témoins de l’effet du message.

° En PS, comme avec les écrits précédents, c’est l’enseignant qui explique tout aux enfants et écrit devant eux. Plus les enfants sont concernés par le message, plus ils en comprendront l’effet.
(…) Les enfants ne sont pas très au clair jusqu’en MS (…) J’appelle cette expérience « vivre la boucle de l’écrit » car chaque enfant est à la fois auteur d’un écrit et récepteur de son effet.
Remarque :
Pour que les messages fonctionnent dans une école, tous les adultes (équipe d’école) doivent être d’accord sur le principe : il s’agit d’un véritable outil de travail.

° En MS ou en GS une visite préparée et commentée de la Poste est très intéressante. On commence par expliquer aux enfants qu’ils vont s’envoyer quelque chose par la poste et qu’ils vont apprendre plein de choses avec ce jeu. (…)

° A parti de la GS, selon les habitudes d’écriture individuelle régulière des enfants, une commande peut leur être adressée. (…)

Cependant cet objectif 6 est difficile pour certains enfants. C’est pourquoi, à partir de la MS, il faut faire plus avec les enfants prioritaires : le maître travaille la production d’un premier message, en atelier avec eux, puis il recommence ne collectif avec tous les enfants.
Ainsi, les enfants prioritaires assistent deux fois à la production du même message et peuvent constater qu’il ne s’agit pas exactement des mêmes formulations. C’est une manière de leur donner de l’avance.

Bien sûr, il est très intéressant d’expliquer aux enfants qu’il y a d’autres moyens de « se parler en écrivant » et de les leur faire vivre :
- une expérience de texto (…)
- une expérience de courrier électronique
On profite de ces expériences pour montrer et expliquer ressemblances et différences des différents écrits (dans un courrier sur papier vs électronique) : comment on sait qui a écrit, à qui, et quand il l’a fait.

Les messages dans la vie réelle

Il s’agit du croisement du travail intellectuel de production d’écrit évoqué précédemment ET de la prise en compte des états mentaux de personnages de fiction connus. D’une part les enfants adorent, d’autre part, le maître a, là aussi, une évaluation bien intéressante.


De très nombreuse histoires permettent cette situation-problème :  que pourrait bien écrire X à Y pour que … ? (…)

extraits de Langage et école maternelle, Mireille Brigaudiot, ed. Retz

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