mercredi 4 mai 2016

Le Brigaudiot nouveau (10), notes de lecture : Comprendre et apprendre, Echanger et réfléchir avec les autres, pourquoi-comment

Objectif 2. Comprendre et apprendre
Objectif 3. Echanger et réfléchir avec les autres

Introduction

0 Pourquoi réunir les Objectifs 2 et 3 ?

Un objectif sert à un maître à savoir où il va (…) « comprendre, apprendre, échanger, réfléchir ». On ne peut pas les séparer car la machine langage fonctionne en permanence selon une ou plusieurs de ces modalités. (…) Il peut tout au plus viser plus l’une que l’autre, en ayant soin de rebondir positivement sur chaque émergence de l’une d’entre elles.
(…) Nous proposons ici au maître d’éviter une séance qui n’aurait aucun appui cognitif de départ. (…)
Très souvent, il faut commencer par dire, ou par expliquer, ou par montrer, avant de mettre les enfants en réflexion ou en recherche. C’est une révolution par rapport à certaines habitudes scolaires.

0 « Comprendre, apprendre, échanger et réfléchir avec les autres » oui, mais à propos de quels contenus ?

La question décisive est donc : de quoi parler à l’école maternelle ? On y parle de leur vraie vie à l’école, l’endroit où l’on apprend.
4 grandes zones de construction des savoirs :
-       Ce que les enfants comprennent et apprennent de ce qu’ils apprennent.
-       Ce que les enfants comprennent et apprennent du monde réel dans lequel ils vivent.
-       Ce que les enfants comprennent et apprennent des personnes et de leurs relations.
-        Ce que les enfants comprennent et apprennent du monde de la fiction

° La première zone (les apprentissages) vient du fait que depuis les années 80, de très nombreuses recherches soulignent les gains d’apprentissage que procure ce « savoir sur le savoir » (métacognition), surtout chez les enfants de milieux socio-culturels défavorisés. C’est donc, pour nous, une arme contre l’échec scolaire précoce.
° La deuxième zone (le monde) correspond au domaine « Explorer le monde » (…)
° La troisième zone (les relations aux autres). (…) A l’école de profiter de cette fabuleuse appétence pour l’aider à se sentir bien dans les relations sociales et à les comprendre.
° La quatrième zone (la fiction) fait également partie des activités spontanées (…) la aussi l’école (…) va les transformer en bagages culturels.

De mon point de vue, contrairement à l’écrit, il ne peut pas exister de progression d’enseignement du langage oral : les occasions constituent les moments d’apprentissages.

0 « Parler ensemble et réfléchir » s’apprend-il en maternelle ?
 Oui

Formation      L’apprentissage des discussions à plusieurs
Les repères qui suivent portent sur les progrès des enfants sur trois plans :
-       les prises de parole, c’est la première chose qu’ils apprennent,
-       le contenu de leurs interventions, qui va aller de ce qui vient d’être dit à du lointain et du non-présent, et enfin à un avis personnel,
-       la forme de leurs interventions, qui ira d’un énoncé simple à une suite d’énoncés longs, articulés logiquement

Ø  en TPS et PS
l’enseignant installe une habitude simple : annonce qu’on va parler un peu ensemble, habitude de lever le doigt pour demander la parole, enseignant visible par tous et qui est « chef d’orchestre ». Pour arrêter la séquence, il dit que lui aussi a quelque chose à dire, annonce une autre activité. De manière générale, il guide la conversation en revenant toujours à des apprentissages en cours afin d’éviter les seules évocations des vies privées. En leur demandant s’ils ont quelque chose à dire, il les habitue à faire des annonces de nouvelles qui préfigurent les futurs récits. Seule la parole du maître sert de relance. (…) On est dans la première étape d’une suite de « monologues », en regardant le maître afin de s’inscrire dans le chacun son tour. C’est le but des petits : avoir sa place dans le groupe. Si la discussion n’a pas vraiment de contenu, ce n’est pas grave.
Le rôle de l’enseignant est décisif : il valorise une prise de parole d’un petit parleur, il demande au grand parleur de laisser parler les autres. Il essaie de rebondir sur les propos en renvoyant à des choses connues des enfants. Et il interprète et paraphrase les énoncés enfantins pour que l’enfant ne parlant pas encore la langue canonique soit reconnu comme parleur.
Sur la forme, la majorité des énoncés est de type thème + commentaire. Mais la TPS et la PS étant les niveaux où les différences d’acquisition sont les plus fortes, il faut accepter le fait que certains enfants parlent « très bien » alors qu’on a du mal à comprendre les autres. C’est avec eux qu’il faut interagir le plus souvent.
En maternelle, on appelle « enfant-écran » un enfant qui prend systématiquement la parole pour qu’on le voie, aux dépends des autres.
Ø  En MS
Les prises de paroles restent un enjeu en soi, pour les enfants : ils veulent que l’attention se portent sur eux mais les contenus peuvent maintenant être en lien avec un travail en cours. (…) C’est la deuxième étape : pouvoir parler ensemble de la même chose.
Sur la forme, c’est l’année de tous les possibles dans les essais avec la langue. Notamment avec tous ces petits mots auxquels on ne pense pas et qui sont des outils puissants pour énoncer très précisément des avis et des arguments. Dans leur ordre d’apparition en acquisition : dans, pour, à, de, avec, sur, après, comme, qui relatif, parce que, en dessous, dedans, que conjonctif, je, le mien, c’est moi, leurs, vos, à côté de, loin de, entre.

Ø  En GS
Quand la pratique des échanges a été menée quotidiennement depuis la PS (travail en équipe nécessaire), les enfants commencent à s’écouter et la gestion des prises de parole n’est plus la seule préoccupation du maître. Les enfants restent dans la discussion et en grand groupe, certains commencent à « préparer » mentalement leur intervention avant de lever le doigt.
Les contenus sont dorénavant au premier plan. Il faut arriver à résoudre des problèmes, réfléchir, et l’idéal du maître est que les enfants eux-mêmes posent des questions. Là, c’est gagné. Pour y parvenir, l’enseignant les habitue à une grande écoute de ce qu’il apporte lui-même dans la conversation sous forme de problématisation des idées en jeu.
Il faut aussi aider les enfants à bien se faire comprendre. Cet ajustement à la compréhension d’autrui est le moteur des discussions à ce niveau. Tous les outils syntaxiques sont à leur disposition et la variété des emplois des temps verbaux fait l’objet de nombreux essais. C’est l’année où les enfants comprennent que le maître leur redemande de dire quelque chose qu’ils viennent de dire. Enfin, les clôtures de discussion sont faites par le maître qui résume et apporte des connaissances claires.


Conseils :
° En TPS/PS être très vigilant aux tours de parole, en veillant à ce que les enfants petits parleurs trouvent leur place.
° En MS, verbaliser clairement de quoi on parle et ce qu’on attend des enfants durant l’échange, être très accueillants pour les essais sur la langue, renvoyer les bonnes formes.
° En GS, verbaliser le thème de l’échange, être très à l’écoute des contenus du dire des enfants, et les encourager à dire plus et plus précisément.

° A tous les niveaux, dans les discussions sur des problèmes, ne pas laisser partir les enfants sans la (ou les) « bonne réponse », ce qui ne les empêchera pas de douter et d’essayer encore d’éclaircir le mystère…

extraits de Langage et école maternelle, Mireille Brigaudiot, ed. Retz

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