Objectif 2. Comprendre
et apprendre
Objectif 3. Echanger
et réfléchir avec les autres
Introduction
0 Pourquoi réunir les Objectifs 2 et 3 ?
Un objectif sert à un maître à savoir où il va (…)
« comprendre, apprendre, échanger, réfléchir ». On ne peut pas les
séparer car la machine langage fonctionne en permanence selon une ou plusieurs
de ces modalités. (…) Il peut tout au plus viser plus l’une que l’autre, en
ayant soin de rebondir positivement sur chaque émergence de l’une d’entre
elles.
(…) Nous proposons ici au maître d’éviter une séance qui n’aurait aucun appui cognitif de départ. (…)
Très souvent, il faut commencer par dire, ou par expliquer,
ou par montrer, avant de mettre les enfants en réflexion ou en recherche. C’est
une révolution par rapport à certaines habitudes scolaires.
0 « Comprendre, apprendre, échanger et réfléchir
avec les autres » oui, mais à propos de quels contenus ?
La question décisive est donc : de quoi parler à
l’école maternelle ? On y parle de leur vraie vie à l’école, l’endroit où
l’on apprend.
4 grandes zones de construction des savoirs :
-
Ce que les enfants comprennent et apprennent de ce qu’ils apprennent.
-
Ce que les enfants comprennent et apprennent du monde réel dans lequel ils vivent.
-
Ce que les enfants comprennent et apprennent des personnes et de leurs relations.
-
Ce que
les enfants comprennent et apprennent du
monde de la fiction
° La première zone (les
apprentissages) vient du fait que
depuis les années 80, de très nombreuses recherches soulignent les gains
d’apprentissage que procure ce « savoir sur le savoir »
(métacognition), surtout chez les enfants de milieux socio-culturels défavorisés. C’est donc, pour nous, une
arme contre l’échec scolaire précoce.
° La deuxième zone (le
monde) correspond au domaine « Explorer le monde » (…)
° La troisième zone (les
relations aux autres). (…) A l’école de profiter de cette fabuleuse
appétence pour l’aider à se sentir bien dans les relations sociales et à les
comprendre.
° La quatrième zone (la
fiction) fait également partie des activités spontanées (…) la aussi
l’école (…) va les transformer en bagages culturels.
De mon point de vue,
contrairement à l’écrit, il ne peut pas exister de progression d’enseignement
du langage oral : les occasions constituent les moments d’apprentissages.
0 « Parler ensemble et réfléchir »
s’apprend-il en maternelle ?
Oui
Formation L’apprentissage des discussions à plusieurs
Les repères
qui suivent portent sur les progrès des enfants sur trois plans :
-
les prises de parole, c’est la première
chose qu’ils apprennent,
-
le contenu de leurs interventions, qui va
aller de ce qui vient d’être dit à du lointain et du non-présent, et enfin à un
avis personnel,
-
la
forme de leurs interventions, qui
ira d’un énoncé simple à une suite d’énoncés longs, articulés logiquement
Ø en TPS et PS
l’enseignant
installe une habitude simple : annonce qu’on va parler un peu ensemble,
habitude de lever le doigt pour demander la parole, enseignant visible par tous
et qui est « chef d’orchestre ». Pour arrêter la séquence, il dit que
lui aussi a quelque chose à dire, annonce une autre activité. De manière
générale, il guide la conversation en revenant toujours à des apprentissages en
cours afin d’éviter les seules évocations des vies privées. En leur demandant
s’ils ont quelque chose à dire, il les habitue à faire des annonces de
nouvelles qui préfigurent les futurs récits.
Seule la parole du maître sert de relance. (…) On est dans la première étape d’une suite de
« monologues », en regardant le maître afin de s’inscrire dans
le chacun son tour. C’est le
but des petits : avoir sa place dans le groupe. Si la discussion n’a pas
vraiment de contenu, ce n’est pas grave.
Le rôle de
l’enseignant est décisif : il valorise une prise de parole d’un petit
parleur, il demande au grand parleur de laisser parler les autres. Il essaie de
rebondir sur les propos en renvoyant à des choses connues des enfants. Et il
interprète et paraphrase les énoncés
enfantins pour que l’enfant ne parlant pas encore la langue canonique soit
reconnu comme parleur.
Sur la
forme, la majorité des énoncés est de type thème + commentaire. Mais la TPS et
la PS étant les niveaux où les différences d’acquisition sont les plus fortes,
il faut accepter le fait que certains enfants parlent « très bien »
alors qu’on a du mal à comprendre les autres. C’est avec eux qu’il faut
interagir le plus souvent.
En maternelle, on appelle « enfant-écran » un
enfant qui prend systématiquement la parole pour qu’on le voie, aux dépends des
autres.
Ø
En MS
Les prises
de paroles restent un enjeu en soi, pour les enfants : ils veulent que
l’attention se portent sur eux mais les contenus peuvent maintenant être en
lien avec un travail en cours. (…) C’est la deuxième étape : pouvoir parler ensemble de la même chose.
Sur la
forme, c’est l’année de tous les possibles dans les essais avec la langue.
Notamment avec tous ces petits mots auxquels on ne pense pas et qui sont des
outils puissants pour énoncer très précisément des avis et des arguments. Dans
leur ordre d’apparition en acquisition : dans, pour, à, de, avec, sur,
après, comme, qui relatif, parce que, en dessous, dedans, que conjonctif, je,
le mien, c’est moi, leurs, vos, à côté de, loin de, entre.
Ø En GS
Quand la
pratique des échanges a été menée quotidiennement depuis la PS (travail en
équipe nécessaire), les enfants commencent à s’écouter et la gestion des prises
de parole n’est plus la seule préoccupation du maître. Les enfants restent dans
la discussion et en grand groupe, certains commencent à « préparer »
mentalement leur intervention avant de lever le doigt.
Les
contenus sont dorénavant au premier plan. Il faut arriver à résoudre des
problèmes, réfléchir, et l’idéal du maître est que les enfants eux-mêmes posent
des questions. Là, c’est gagné. Pour y parvenir, l’enseignant les habitue à une
grande écoute de ce qu’il apporte lui-même dans la conversation sous forme de problématisation des idées en jeu.
Il faut
aussi aider les enfants à bien se faire comprendre. Cet ajustement à la
compréhension d’autrui est le moteur des discussions à ce niveau. Tous les
outils syntaxiques sont à leur disposition et la variété des emplois des temps
verbaux fait l’objet de nombreux essais. C’est l’année où les enfants
comprennent que le maître leur redemande de dire quelque chose qu’ils viennent
de dire. Enfin, les clôtures de discussion sont faites par le maître qui résume
et apporte des connaissances claires.
Conseils :
° En TPS/PS être très vigilant aux tours de parole, en
veillant à ce que les enfants petits parleurs trouvent leur place.
° En MS, verbaliser clairement de quoi on parle et ce qu’on
attend des enfants durant l’échange, être très accueillants pour les essais sur
la langue, renvoyer les bonnes formes.
° En GS, verbaliser le thème de l’échange, être très à
l’écoute des contenus du dire des enfants, et les encourager à dire plus et
plus précisément.
° A tous les niveaux, dans les discussions sur des problèmes,
ne pas laisser partir les enfants sans la (ou les) « bonne réponse »,
ce qui ne les empêchera pas de douter et d’essayer encore d’éclaircir le
mystère…
extraits de Langage et école maternelle, Mireille Brigaudiot, ed. Retz
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